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Paroles d'une petite fille
(fin)
Soudain, Véro apparut en courant,
guidée dans le noir par la lampe de poche de Tony et, sous les applaudissements.
C'est à ce moment-là que je pris une première photo (parue dans le No. 4 d'
"Harmonies").
Alors, pour ne pas manquer une seconde
du spectacle, je m'assis devant la scène et regardais avec admiration ce qui se
déroulait sous mes yeux. L'absence de Véronique avait été bien longue
pour nous, petits lorrains; mais, nous ne l'avions pas oubliée, elle non plus
d'ailleurs car immédiatement une ambiance chaleureuse régna dans la salle. J'observais les musiciens un à un et je fus attendrie par la timidité de Rich
Cavanaugh, la gaîté et le regard malin de Plato T. Jones, l'élégance de Bob
Meighan, la complicité de Bernard Swell, mais aussi la sympathie de tous les
autres. Véronique était dans "son élément" : entourée de
musique et d'amour.
Elle sait accrocher son public. Par exemple dans "Le Maudit", vers la fin de la chanson, elle fait
comme ceci: "Mais ta douleur (silence), efface (la voix reste en haut -
tout le monde est en suspens), ta faute (la voix se radoucit)".
Un jour, une amis me demanda ce que Véronique
Sanson avait de particulier sur scène; Je lui ai répondu : "tu as déjà
vu une chanteuse française s'accompagner à la guitare électrique sur scène ?
Eh bien, Véro, ça, elle le fait". Ma camarade dut s'avouer vaincue...
Il y a un moment qui a laissé un peu
le public sur sa faim, c'est après la chanson "Drôle de vie" quand Véro
dit "à tout à l'heure ! " Immédiatement, on pouvait entendre
les soupirs de déception dans la salle. Alors, pendant que tout le monde
se précipitait sur les sucettes glacées et le cannettes de bière, je tentai
d'aller dire un p'tit bonjour à Véronique. Cette fois, aucun problème. Elle était toute seule, contemplant la photo de Christopher qu'elle avait sorti
de sa mallette à maquillage. Elle leva la tête, me regarda, sourit, puis
s'exclama : "Ah ! C'est donc toi, Ludovique". Nous échangeons
quelques mots mais une personne qui m'était inconnue vint interrompre notre
petite conversation. Comme ils engagèrent rapidement la discution, je décidai
de repartir à ma place. Véronique, me voyant sortir de la loge, me
retint le bras et dit : "tu viens me voir à la fin, hein ?"
Cette petite phrase me fit très plaisir. Cela pouvait qu'elle n'était
pas totalement indifférente à ma visite. La deuxième partie du
spectacle fut encore plus belle que la précédente. Nous eûmes l'avant-première
de "Toute une vie sans te voir", suivi de "Ma Révérence". C'était très
émouvant. Là, Véronique dévoilait un peu, nous faisait
des confidences, déchirantes. Toutefois, elle essayait de se redonner du
courage en accentuant sa voix que l'on sentait angoissée. Après cette série
de chansons tristes mais belles, je voyais de grosses larmes troublant ses yeux
fatigués, peut-être pour avoir tout dit. Un groupe de jeunes à côté e
moi, agité quelques minutes auparavant, se taisait et je les voyais se pincer
les lèvres. Véronique avait sensibilisé tout le monde. Même les
gardes du corps étaient venus s'asseoir auprès de nous, abandonnant leur tache
ressemblant à celle de geôliers. Tout d'un coup, Véronique, le visage
grave, fixa le fond de la salle sans un mot. Un silence lourd pesait
autour de moi. Je me sentis subitement mal à l'aise. Que se
passait-il ? Je ne savais s'il fallait rire ou se taire. Heureusement, un spectateur cria : "Véronique, un sourire !".
Alors, elle éclata de rire, les guitares jouèrent les premiers accords de
"Mariavah" puis la batterie et les autres instruments suivirent.
Alors, Véro se leva de derrière son piano et entraîna tout son public, saoul
de cette musique au tempo brésilien, dans une "ville cachée au fond d'une
île où tout le monde est tranquille". Elle nous offrit un voyage irréel
et inoubliable à travers cette chanson. J'étais ivre de joie et de musique. J'avais envie de serrer Véronique tout fort dans mes bras pour
la remercier. Puis succédèrent "Vancouver", "Etoile
rouge", "Blues tune" ("Celui qui n'essaye pas"), "Bahia",
"On m'attend là-bas" et "Devine-moi". Evidemment
acclamations, ovation, rappel effréné, délire. La voix de Véro se
faisait de plus en plus rauque. Il était temps d'arrêter! Elle
s'enferme dans la loge et n'en ressortit plus. Bernard Swell m'affirma
qu'elle était épuisée, qu'elle s'était écroulée sur la chaise et allait
rentrer directement à l'hôtel sans manger. Il ne voulait plus, malgré
sa promesse, me laisser lui parler. J'étais profondément déçue. Je n'étais pas sûre de la revoir avant deux ans... alors, je me souvins d'une
porte située de l'autre côté et qui conduisait à la loge. Sans rien
dire à personne, je me faufilai entre tous ces gens et je passai par derrière.
Arrivée devant cette porte, j'hésitai quelques instants avant de l'ouvrir puis,
finalement, j'entrai discrétement. Katia poussa un soupir de découragement
en me voyant, mais partit aussitôt avec Claude Wild. J'étais à présent
seule avec Bernard et Véronique. Je me sentais à la fois heureuse et
terriblement gênée. C'est Véro qui me sortit de cet embarras. Elle me prit le bras, m'attira vers elle et m'embrassa amicalement en me serrant
tout fort. J'étais très émue. Je me perdais dans ses yeux remplis
de fatigue et de tendresse dans lesquels je lisais un dialogue où les mots
auraient été inutiles. Son regard fit le tour de mon visage puis elle me
murmura quelques mots. J'avais la gorge serrée et je sentis une larme
descendre le long de ma joue. Véronique aussi était émue, elle me
souriait presque triste. Alors, je ne sais pour quelle raison, je décidai
de quitter la pièce. "Tu r'viendras m'voir ?" me dit-elle. Je lui répondis par un hochement de tête puis, je sortis de la loge, emportant
son sourire comme un cadeau, c'était mon plus beau cadeau, ma richesse de
petite fille.
Enfin un mois après, le 4 décembre,
Véronique se représenta pour la dernière fois en France à Nancy avant de
partir pour le Brésil. Je ne voudrais pas encore développer sur le
spectacle car je l'ai déjà fait dans mon journal de collège "la cocotte
en papier" (article et illustrations que vous pouvez d'ailleurs recevoir
sur simple demande) mais, plutôt en retenir les moments exceptionnels. Je
me souviens particulièrement de la fin du spectacle. En effet, ce fut un
véritable triomphe bourré de gags pour donner une touche humoristique à ce
dénouement. Tony monta sur scène pour apporter à Véronique un verre de vin sur un
couvercle de poubelle ! Ensuite, et après avoir eu le privilège d'écouter
environ 4 chansons en plus du récitals, les techniciens vinrent
"kidnapper" les musiciens. Le public se demandait ce qu'il se passait.
Nous assistions à un véritable démontage puisque les spots
furent descendus, les micros retirés et une partie du matériel remballée.
Enfin, ce n'était pas le plus important. Mais quand ils nous enlèveront
Véronique, la foule protesta, prête à grimper sur scène pour la rattraper.
Heureusement, ils nous la laissèrent encore quelques minutes pendant lesquelles
Eric Estève et Plat T. Jones reprirent en coeur avec le public de vieux succès
américains. Puis les cotillons volèrent de toutes parts; tout le monde
s'était déguisé : on aurait dit le début d'une année nouvelle. Bernard Saint-Paul, heureux lui aussi m'autorisa même à monter sur scène pour
prendre une photo. Malheureusement, tout a une fin et Véronique descendit
de la scène dans les bras de deux musiciens. Nous étions tous heureux et
comblés. Véro me consacra encore un petit moment après le spectacle,
s'excusant d'avoir été si fatiguée la dernière fois à Metz !
- "Quel age as-tu ?", me
demanda-t-elle.
- "14 ans"
- "Ah la la ! C'est pas
permis d'avoir 14 ans à notre époque !"
Puis elle me signa un autographe très
sincère, dernier souvenir d'elle ! ...
Véronique, je pense, je la rêve, je
l'imagine, non pas comme j'aimerais qu'elle soit, comme elle est, c'est-à-dire
une petite femme pleine de tendresse, d'une grande personnalité mais au coeur très
vulnérable.
Ludovique Garotin, Vandoeuvre les Nancy
Mille remerciements à Madame
Sanson, Laurent, Claude Wild, Katia, Tony Lennon, Bernard Swell et bien sûr à
... Véronique. |
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