Les Champs-Elysées sous un vent glacial. avril frileux. Je relève le col de ma veste. Je marche vite. Bientôt 17 heures...
J'ai rendez-vous avec un chanteur-morceau-du-passé-puzzle de Véronique, Claude-Michel Schoenberg.
Le bureau où nous sommes assis face à face est vaste. Il évoque son passé par bribes de phrases; Une origine hongroise; Un orchestre en Bretagne dans les années 60. Remarqué par quelqu'un de chez Pathé, il monte de temps en temps à Paris pour le voir. Il finit par y entrer comme directeur artistique, en même temps que Michel Berger.
Un beau jour, on leur présente trois jeunes gens: un garçon (François Bernheim) et deux sœurs (Violaine et Véro).. Le groupe s'appelle les Roche Martin. Ils décident de leur faire un simple... qui aura le succès que l'on connaît.
L'histoire ne s'arrête cependant pas là...
Un petit matin, Véronique vient toute seule, avec sa guitare. Et elle leur chante quelques chansons... ses propres compositions. Là, c'est le flash: "Michel et moi, on s'est regardés... son talent était si évident, déjà intact. Sans aucun besoin de maturation. On a tout de suite essayé de lui faire enregistrer un album".
Mais les gens de chez "Pathé n'y croient pas. Tous ces jeunes débutants sont finalement assez mal accueillis au sein de la maison.
Véro commence à enregistrer des play-back. "Le printemps est là", "Le feu du ciel", "Maria de Tusha", "L'irréparable" et "C'est le moment" sont prêts... lorsqu'on leur demande d'arrêter les dépenses. C'est finalement un simple qui sortira ("Le feu du ciel" / "Le printemps est là") en 1969.
- Comment était Véronique à ce moment-là ?
- Elle avait un aspect très "Chanel", mais on sentait que musicalement, elle avait déjà en elle cette violence qui a éclaté depuis.
Pour Noël 1967, je me rappelle qu'ils étaient tous venus à Vannes, 8 jours. Véro et Violaine dormaient chez moi et François et Michel à l'hôtel. On s'était amusé comme des fous, jouant les mendiants dans la plus grande rue de la ville, en chantant "When a man loves a woman"... et ça avait marché !
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Véro est entrée chez WEA, Michel a quitté Pathé, fini ses études et est entrée à l'Express, a travaillé un peu chez les disques Vogue puis avec Véronique.
Il y avait une similitude étrange chez ces deux jeunes gens; Une approche semblable de la musique, une écriture pratiquement similaire. Je pense toutefois que Michel a eu beaucoup d'influence sur Véronique. Puis, ils ont évolué différemment.
- Vous pensez que les États-Unis ont influencé Véronique musicalement?
- Non, je pense qu'elle aurait évolué de la même manière en restant en France - peut-être pas aussi vite mais pas différemment en tous les cas.
- Vous la voyez toujours ?
- La dernière fois, c'était en Novembre, dans ce bureau. Je suis resté fan de tout ce qu'elle fait. C'est la même chose pour Michel que je revois toujours. Sur scène, je ne les rate jamais.
- Et vous, côté scène ?
C'est différent, je n'ai pas suivi le même circuit. J'aimerai quelque chose de très intime, une petite salle. Peut-être à la fin de l'année... Et puis j'entreprends toujours de gros projets de deux-trois ans ("La Révolution française", "Les Misérables") qui m'empêchent de me consacrer à la composition d'un album, à l'agencement d'un spectacle.
- Comment composez-vous ?
- Devant mon piano, jusqu'à ce que la mélodie des mots m'impose une musique.
- Vos coups de foudre ?
- Les derniers : Kim Carnes et Christopher Cross. Et côté français, toujours Julien Clerc.
- Êtes-vous allé aux États-Unis ?
- J'y vais environ deux fois par an, pour voir des comédies musicales.
- Pourquoi ne pas y enregistrer un album ?
- Pour moi, faire un album à Los Angeles, ce serait comme un grand plaisir, une récompense.

Annexe
Voici ci-dessous les titres des deux simples enregistrés par feu-le groupe des Roche Martin:

Premier 45 t
"Les mains dans les poches" (paroles et musique Violaine Sanson).
"Déchéance" (paroles et musique François Bernheim).
"C'est toi qui a gâché notre vie" (paroles et musiques François Bernheim).
"Nathalie's Blues" (paroles et musique Violaine Sanson).

Second 45 t
"Maria de Tusha" (paroles et musique Véronique Sanson).
"Pour ma symphonie" (paroles et musique Véronique Sanson).
"Il est temps de penser à la neige" (paroles et musique François Bernheim).
"Tu as peur du bruit" (paroles et musique Violaine Sanson).

Pour les deux 45 tours, orchestre dirigé par Hubert Rostaing  - qu'il soit ici remercié pour avoir été un des seuls à avoir gardé intacts ces deux "perles" et de nous les avoir gracieusement prêtés.