Harmonies

(Number 8 Part 11)


  . Véro sur Radio 7 (Interview ...fin)

Q)  Disons qu'au départ, on apprend surout à se blinder, non ?

Véro)  On apprend à ne pas vomir de trac, tellement c'est horrible. Ça dure toujours, ça devient même pire, même quand on est habitué.

Q)  J'ai l'impression que tu es quelqu'un qui ne peut pas oublier les mots de ses chansons, parce que les mots sont collés à la musique. Je ne t'ai jamais vu te tromper sur des mots...

Véro)  Oh si, mais je remplace tout de suite (rires). J'intervertis des couplets...

Q)  Tu n'as pas de trous blancs ?

Véro)  Ah non, jamais. Je trouve qu'il vaut mieux dire "la moutarde est sur la table" que de dire "lalala" (rires).. Ça m'est arrivé dans une chanson qui s'appelle "L'amour qui bat", que je faisais toute seule au piano. Je ne l'avais pas assez répétée mais je voulais vraiment la faire dans mes chansons en solo et je me suis dit "tant pis, je vais la faire quand même" et j'arrive, je joue deux-trois chansons avant, j'arrive à celle-là, je fais l'intro et juste au milieu du premier couplet, je ne me souviens plus.

Q)  Où il faut mettre les mains ?

Véro)  Oui. Et ça, c'est une mécanique : si je regarde ma main droite quand je joue, je me trompe, mais toutes les chansons !  C'est affreux !  J'ai commencé à être très self-concious - comment on dit ? - j'ai eu conscience que j'allais me tromper... et je me suis trompée... Alors, tu te rends compte, la honte (fous rires), la honte horrible et j'ai dit "ne bougez pas, je vais recommencer, je vais vous la chanter", je recommence et, au même endroit, je me retrompe. Alors, j'ai dit "écoutez, je vous la chanterai un autre jour, je vous chante autre chose à la place", rouge de honte. Je ne savais plus quoi faire... C'est terrible, il y a une mécanique des doigts. Quand je joue du classique, si je pense à ce que je fais et si je regarde ma main droite, tu peux être sûre que je me trompe à tous les coups.

Q)  Tu as des pianos favoris ?

Véro)  Oui, les Bösendorfer et les Steinway évidemment. Jai un Bösendorfer et je trouve que c'est un tellement merveilleux piano...

Q)  Drois, quart-de-queue... ?

Véro)  Non, c'est un grand piano, un piano de concert avec des basses d'une profondeur... c'est vraiment une Rolls ! (rires)

["Le Maudit" live Palais des Sports. Voix forte, magie des textes].

Q)  Tu as laissé tomber toute idée de carrière aux États-Unis, en anglais ?

Véro)  (hésitante) oui, j'ai laissé tomber ça parce que je n'ai pas du tout envie de travailler aux États-Unis parce que j'ai vu - quand j'étais mariée - comment se passaient les tournées.

Q)  Quelles sont les différences entre les tournées françaises et américaines ?

Véro)  Je ne sais pas, mais c'est d'un ennui mortel. C'est-à-dire qu'on va de ville en ville et d'hôtel en hôtel mais les villes ne changent jamais. Tu joues toujours dans le même genre d'endroits, c'est-à-dire des sortes de stades, et les hôtels sont toujours les mêmes, tu peux très bien te dire "je suis à Cincinnati ou à Pittsburgh" c'est la même chose. Quand tu joues, le public est toujours extraordinaire sauf que les gens n'écoutent rien, ils passent leur temps à crier, il y a toujours un son fantastique, une ambiance absolument extraordinaire mais je n'ai pas tellement envie de me lancer là-dedans. Et puis, il y a une compétition vraiment incroyable. Il y a des gens formidables qui sortent tous les jours, mais ça, ça ne me fait pas peur, ce que je ne veux pas, c'est recommencer le circuit des débuts, ça ne me fait pas tellement envie... et j'ai surtout tellement envie de rentrer en France... les tournées, ça me garderait trop là-bas.

Q)  Tu es groupie ?

Véro)  Non, pas du tout.

Q)  Et fan de gens (je ne voulais pas dire groupie) ?

Véro)  Ah oui, absolument. Pas de beaucoup de gens. Par exemple, de Randy Newman, je suis une fan inconditionnelle, de McCartney, et puis d'autres - mais évidemment à chaque fois qu'on me demande, j'ai un trou blanc.

Q)  Tu peux nous parler du film avec Bergman ?

Véro)  Disons que c'est plutôt de la figuration. Ca m'a vraiment amusé, c'était la première fois qui j'assistais à un tournage de cinéma. On a tourné dans les égouts de Paris, heureusement que le film n'est pas en odorama (rires) sinon ce serait dramatique. Mais pour moi, c'était une expérience fabuleuse et le film est très bien - je l'ai vu l'autre jour.

Q)  Ca te donne envie d'aller dans cette direction ?

Véro)  J'aimerai bien, oui. Je me dis "ce n'est pas pour moi, c'est un métier à part-entière" et puis, je me méfie toujours des acteurs qui chantent, alors... mais ça me tente beaucoup. J'aimerai bien tourner au moins un film... dans ma vie !

["Bernard's song" version studio 77. Basse funky, précision des arrangements. Cuivres rutilants]

Q)  Et écrire autre chose que des textes de chansons, tu aimerais ?  Ou bien est-ce que c'est un espace qui te suffit ?

Véro)  C'est une espace qui me suffit, mais j'aimerais beaucoup écrire des scénarios avec des gens qui s'y connaissent, inventer des histoires, les tourner après, ce doit être formidable.

Q)  C'est drôle de se dire "je ne veux pas le faire parce que les comédiens-chanteurs, je n'aime pas ça..."

Véro)  Non, non, je ne dis pas ça, mais j'ai toujours peur de ne pas être à la hauteur. On peut se dire dans sa tête "oh oui, ce doit être formidable, je pourrais très bien le faire" et puis finalement, quand on se retrouve devant les caméras, je crois qu'il faut donner plus qu'être simplement naturel et je ne sais pas si j'y arriverais mais je ne le saurai jamais si je n'essaye pas...

Q)  Est-ce qu'au bout du compte, le succès rassure ?

Véro)  (réfléchissant)  C'est agréable de penser, par exemple dans mon cas, que je fais de la musique et qu'il y a plein de gens qui aiment cette musique, c'est la reconnaissance de quelque chose et je trouve que ça fait du bien, c'est gratifiant, une formidable sensation.

Q)  Parce qu'au moins, on sait que ce n'est pas une vie pour rien ?

Véro)  Exactement. On fait plaisir à quelqu'un. On ne peut pas mettre ça de côté, vraiment, se dire que ce n'est rien. C'est quelque chose d'important et je le ressens.

Q)  As-tu toujours l'impression que tu es fatiguée d'avoir du courage ?

Véro)  Quelquefois, c'est difficile, mais on a toujours du courage au fond de ses poches. C'est de plus en plus difficile, mais on s'en sort toujours à cause d'un instinct de survie.

Q)  Tu crois que le tien est très fort ?

Véro)  Je ne sais pas s'il est très fort mais quelquefois, c'est tellement spontané, très violent que ça m'aide beaucoup, mais je ne me dis jamais "il faut que je sois forte" sinon je fonds en larmes. Je crois que ça vient du plus profond de soi-même.

Q)  Est-ce qu'il n'y a pas des textes de chansons qu'on n'ose plus chanter - comme des lettres qu'on n'envoie pas ?

Véro)  Non, moi ça m'arrive pas. J'écris des trucs très généraux, sans détails sur ce qui s'est passé. Ce sont des situations qui pourraient très bien encore m'arriver et je trouve que c'est très actuel. Toujours l'angoisse. Des sentiments et des sensations quotidiennes. Je les chante parce que j'aime bien les chanter.

Q)  Elles te ressemblent toujours ?

Véro)  Oui, un petit peu quand même...

["Mi-maître, mi-esclave" 79. "Quand on est seul, on se demande s'il vaut mieux pas passé ailleurs"]

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Revised: July 01, 2002.