Harmonies

(Number 8 Part 8)


  . Véro sur Radio 7 (Interview)

Q)  Véro, quand on passe son temps à diviser sa vie entre deux pays, n'a-t-on pas peur quand on est dans l'un d'être oublié dans l'autre ?

Véro)  Non, pas vraiment, parce que je ne reste pas assez longtemps en Amérique pour qu'on s'oublie ici.

Q)  Ca t'oblige peut-être à en faire plus en France quand tu y es...

Véro)  Non, tu sais, je fais des disques une fois tous les ans et demi à peu près et une tournée à ce moment-là. Et je dois dire que les gens sont assez fidèles.

Q)  Tu n'as pas eu peur de ça au début quand tu es partie te marier là-bas?

Véro)  Non, je n'ai jamais eu peur parce que je savais que je reviendrai toujours. C'est impensable pour moi de rester plus de six mois là-bas parce que j'ai besoin de revenir en France, revenir voir comment c'est... Ici, c'est tellement un genre de vie différent...

Q)  Mais ça doit être terrible de vivre comme ça, avec une épée de Damoclès, savoir à l'avance qu'on doit sortir un disque et faire une tournée tous les ans et demi... Tournée, ça va encore, mais disques, on ne sait pas forcément si on aura dix chansons en soi...

Véro)  Mais exactement. C'est épouvantable d'ailleurs, parce que ce n'est pas une obligation mais disons que c'est idiot de ne rien sortir pendant des années par exemple, parce qu'à ce moment-là, les gens vous oublient et puis on perd quand même une certaine habitude. Je sais qu'il y a des gens très productifs, qui font 150 chansons par an, mais moi, ce n'est pas mon cas, je fais des chansons uniquement quand je fais des disques et quelquefois - comme maintenant d'ailleurs - je sèche pendant des mois et des mois et je suis absolument incapable de faire quoi que ce soit.

Q)  Alors, est-ce qu'on ne se sent pas obligé de vivre quelque chose en se disant que ça donnera forcément une chanson ?

Véro)  Oh non... ce serait bien si c'était comme ça... mais malheureusement, c'est un blocage. Quand je me mets au piano quelquefois, j'ai une peur épouvantable de ne rien sortir, ce qui m'arrive très souvent, à chaque disque.

Q)  Et quand tu écoutes des disques qui sortent, tu ne te dis pas "ça, c'est un bout de chanson que je n'aurais même pas gardé" ?

Véro)  Si, ça m'arrive, mais ça m'arrive aussi de trouver des trucs formidables en me disant "il y a vraiment des gens qui font des trucs formidables et moi, je ne fais rien de bien, quelle horreur".

Q)  Et on ne trouve pas

Véro)  Non, rien à faire

Q)  Mais quand je disais "se forcer à vivre des choses", je voulais dire lire plus de livres, voir plus de films, aller dans la direction de ce qui peut nous procurer des émotions.

Véro)  Absolument. Je le fais, je lis beaucoup de livres et je suis toujours en admiration devant la manière dont c'est écrit et au lieu de me stimuler, ça me désespère parce que je me dis que je n'arriverai jamais à faire ça, que je ne serai jamais prête et c'est horriblement angoissant. C'est affreux parce qu'on se dit "je n'ai plus de talent, je n'ai plus rien".. J'avais entendu une histoire au sujet de Cat Stevens qui était à l'hôpital et qui avait écrit - je ne sais pas peut-être 80 chansons et, quand il les avait eu enregistrées, il avait déclaré : "je n'ai plus rien à dire, je ne veux plus rien faire, j'arrête".. Et j'ai toujours une peur horrible que ça m'arrive... Et puis, un jour, on se met au piano et puis crac, ça vient et on ne sait pas pourquoi.

[Ici, premier intermède musical : "Je serai là" live à l'Olympia '76. Textes poignants et voix sincère. Piano classique et cordes-détresse].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Revised: July 01, 2002.